Passionné de glace

Stéphane Lambiel, Champéry, Valais

A la recherche d’un nouveau défi, Stéphane Lambiel a fondé il y a quatre ans une école de patinage artistique à Champéry. 

A la Skating School of Switzerland, l’ancienne star du patinage entraîne de jeunes talents internationaux. Une vocation qui permet au double champion du monde et médaillé d’argent olympique de renouer avec les émotions de la glace.

Celui qui choisit de faire du patinage artistique son métier, de s’entraîner dur pour décrocher médailles et succès, sait que son corps lui imposera trop vite une retraite anticipée, en moyenne au tiers de son existence. Encore jeune, décoré de titres et de médailles, il aura alors l’étrange impression d’avoir déjà vécu les émotions les plus fortes de sa carrière. En 2010, lors de son retrait de la compétition, Stéphane Lambiel, star valaisanne du patinage artistique, a fait cette expérience. Il lui aura fallu vivre «une longue période douloureuse» avant de retrouver une activité capable de combler le vide.

Baignés d’un intense soleil d’altitude, des chalets de bois sombre entourent le centre sportif de la station. A l’intérieur du Palladium de Champéry, Stéphane Lambiel est appuyé contre la bande de la patinoire. Il observe les patineurs exécuter leurs pirouettes, tomber et se relever. Il mâche un chewing-gum, tape dans les mains, lance quelques phrases en français et en anglais, grimace, secoue la tête. Une sorte de théâtre de marionnettes où il joue et rejoue les émotions ressenties par les patineurs qui, stoïquement, enchaînent les figures parfois réussies, parfois ratées. Il dira plus tard: «J’aimerais pouvoir être sur la glace à leur place mais je sais bien qu’ils doivent y arriver par eux-mêmes.»

Stéphane Lambiel, Champéry, Valais

Il y a quatre ans, Stéphane Lambiel a enfin trouvé ce qu’il cherchait depuis si longtemps. A Champéry, au fond du val d’Illiez, le double champion du monde et médaillé d’argent olympique originaire de Saxon a créé la Skating School of Switzerland. Il possède un chalet dans la vallée et entraîne six fois par semaine dix jeunes espoirs nationaux et internationaux comme Noah et Noémie Bodenstein, frère et soeur suisses, et le Letton Deniss Vasiljevs. Dans le village, on croise aussi régulièrement des athlètes de renom venus travailler leurs chorégraphies ou peaufiner leur style avec Stéphane.

Le patineur était plutôt réticent à l’idée de devenir entraîneur. «J’ai vu combien mon ancien coach, Peter Grütter, travaillait chaque jour. Avec les élèves, c’est comme avec les enfants, il faut toujours être présent.» A la fin de ses années de compétition, Lambiel participe à des shows, élabore des chorégraphies pour d’autres patineurs, organise des séminaires. Il s’aperçoit que les gens l’écoutent. «Je n’avais jamais imaginé pouvoir avoir autant d’influence.» Mais son âme de champion n’est pas tout à fait en paix. Depuis que la patineuse Sarah Meier et lui-même ont arrêté la compétition, le patinage suisse est absent des grandes rencontres. «L’Union suisse de patinage aurait pu faire davantage pour encourager la relève», affirme Stéphane Lambiel. Les Jeux olympiques de Sotchi, en 2014, où le patinage artistique ne compte aucun représentant suisse, finissent de le convaincre. C’est le moment ou jamais. Il crée son école de patinage artistique et trouve le lieu idéal: la patinoire de Champéry, station calme avec une infrastructure moderne et disponible.

Stéphane Lambiel, Champéry, Valais

Stéphane Lambiel est maintenant entré sur la glace, où il accompagne une élève à travers la patinoire. Un coach pas forcément très sévère mais ferme. «Quand je veux quelque chose de précis, je peux être très pointilleux.» Comme son propre entraîneur dans le passé, Lambiel lance à ses poulains des mots d’encouragement. «Peter m’a toujours provoqué avec ces mots: «Lambiel, du sang du Valais!» Il me disait souvent: «Vas-y et montre-leur comment patine un Valaisan!»

Stéphane Lambiel, Champéry, Valais

Tous les week-ends jusqu’au mois de mars, Stéphane Lambiel accompagne ses jeunes élèves lors de leurs compétitions internationales. Actuellement, à 33 ans, il doit également s’entraîner deux fois par semaine pour le gala Art on Ice. Il aimerait beaucoup remettre en scène son show Ice Legends, de préférence en Valais, mais il faut encore trouver une patinoire assez grande pour accueillir le spectacle. «Le patinage est devenu pour moi un mode de vie. Je m’y adonne dès que j’ai du temps libre.» Pendant sa carrière, son attitude était différente. «Très ambitieux, je voulais toujours gagner.» Avec le temps, sa perspective s’est transformée. «Vers la fin de ma carrière, je me suis aperçu que je pouvais aussi vivre les émotions ressenties sur la glace sans devoir gagner à tout prix.» Ces émotions ne sont peut-être plus aussi intenses que lors des Jeux olympiques, «mais elles sont encore là, réparties sur un intervalle de temps plus long, grâce à l’école et aux élèves». Le deuxième tiers de la vie de Stéphane Lambiel se déroule toujours sur la glace. 

Texte: Manuela Enggist Photos: David Carlier

Publication : Novembre 2018

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